Un nouveau titre de séjour spécial « métiers en tension » ? Fausse solution à vrais problèmes !

Vrais problèmes aujourd’hui :

  Des étrangers sont prêts à travailler, ou à entrer en apprentissage, dans des secteurs où les patrons ont des difficultés à recruter, mais ne peuvent pas être embauchés parce qu’ils n’ont pas les papiers qu’il faut : un récépissé les autorisant à travailler, un titre de séjour leur donnant droit au travail, ou une autorisation de travail demandée et obtenue par l’employeur.

  Des OQTF sont toujours distribuées à des étrangers en voie d’intégration par le travail, souvent à des jeunes en fin de formation et attendus par des patrons qui les ont eus en stages ou en apprentissage, ou à des personnes déjà au travail dans des entreprises intérimaires ou non.

  D’anciennes OQTF, décidées elles aussi il y a plusieurs années, par exemple pour des mineurs décrétés majeurs, obligent les étrangers concernés à faire des nouvelles demandes d’« admission exceptionnelle au séjour » qui mettent 2 ans avant d’aboutir à un rendez-vous, et encore plus avant d’obtenir une régularisation, alors qu’ils ont été formés dans le système scolaire français, y ont obtenu des diplômes et des compétences recherchés par des employeurs.

  Des étrangers titulaires de cartes de séjour temporaires, comme les cartes « étudiant » ou « travailleur temporaire », ou « salarié », les perdent, se retrouvent sans-papiers et sans droit au travail, parce qu’ils ne sont pas en mesure de fournir l’autorisation de travail qu’un patron aurait dû demandée et obtenir pour eux avant leur rendez-vous à la préfecture. Ils sont souvent en recherche d’emploi au moment du rendez-vous de renouvellement ou du changement de statut, une étape courante dans la vie de tous les travailleurs, et n’ont donc pas d’employeurs susceptibles de faire la demande d’autorisation de travail. Ils peuvent aussi avoir travaillé ou travailler pour des patrons qui ne veulent pas faire de demandes d’autorisation de travail.

Fausse solution proposée par Darmanin :

Dans le cadre de son projet pour une nouvelle loi sur l’immigration prévue pour les mois prochains, Darmanin fait semblant de reconnaître un certain nombre de ces vrais problèmes dans un entretien accordé au journal « Le Monde ». Il reconnaît que la réglementation actuelle condamne à tort des travailleurs utiles aux patrons à l’inactivité ou à l’illégalité, ou encore que les demandes d’autorisation de travail sont trop nombreuses et ne devraient pas être conditionnées à la volonté de l’employeur…

Mais il ne propose rien de mieux qu’un nouveau titre de séjour temporaire d’un an pour qui travaillerait dans un métier en tension ! La charge de la demande reviendrait au salarié, sans que rien ne doive être pris en charge par l’employeur, semble-t-il.

  Il faudrait présenter 8 fiches de paye dans un métier en tension sur les 24 derniers mois, et être encore employé dans un de ces métiers au moment de la demande, en plus d’une présence continue de 3 ans en France. Autrement dit, seuls ceux qui auraient réussi à se faire embaucher du temps où ils étaient sans-papiers pourraient espérer recevoir cette nouvelle carte. Une vraie prime au travail illégal finalement !

  Il existe déjà une vingtaine de titres de séjour différents dont une majorité de titres temporaires, 11 cartes de séjour temporaires différentes, avec des conditions de délivrance et de renouvellement qui relèvent d’un véritable casse-tête administratif. Le tout est difficilement compréhensible pour les immigrés concernés et crée, avec en plus la restriction drastique des moyens en préfecture, une situation quasi-ingérable dans les services d’instruction des demandes. Même des rapports très officiels réclament de la simplification !

Créer un titre de séjour temporaire supplémentaire avec encore d’autres conditions d’instruction, cela ne va certainement pas dans le sens d’une simplification !

  D’ailleurs rien n’est dit sur les délais d’attente des rendez-vous ou des réponses, alors qu’aujourd’hui la machine à délivrer tous les titres de séjour est déjà quasiment paralysée.

  Le critère « métier en tension » existe lui-même depuis très longtemps ; les métiers qu’il recouvre sont variables et mouvantes selon les régions et les époques… Combien d’immigrés prêts à travailler et de branches professionnelles dans le besoin seront exclus du champ du nouveau titre de séjour à cause de la définition arbitraire des fameux métiers dits « en tension » ?

  Nous ne sommes pas dupes de la véritable nature des métiers dits « en tension ». Ce sont d’abord des métiers à haut niveau d’exploitation ! Pourquoi réduire le droit au travail des immigrés à des métiers difficiles, pénibles et mal payés ? Le principe d’égalité impose que tous les métiers soient accessibles sans discrimination !

  Et pourquoi limiter à un an le droit au séjour reconnu, en enfermant les personnes concernées dans une catégorie professionnelle précise, en les obligeant à un nouveau contrôle et à de nouvelles démarches à la fin de l’année au moment du renouvellement ?

Les vraies solutions sont ailleurs !

  Les titres de séjour ne doivent pas être conditionnés à la nature des secteurs professionnels. Toute preuve d’une relation de travail effective, passée, actuelle, ou à venir, par n’importe quel moyen, doit ouvrir la voie à une régularisation !

  Le gouvernement doit supprimer purement et simplement l’exigence d’autorisation de travail à laquelle sont soumis les étrangers de façon totalement discriminatoire. Que cette demande soit présentée par l’employeur ou par le salarié, qu’elle soit présentée une seule fois, au lieu de l’être à chaque changement de contrat, elle est de toutes façons un frein à la liberté de choisir son emploi et son employeur et une entrave au droit à la mobilité professionnelle ! D’un point de vue patronal même, c’est un problème car c’est une entrave à la fluidité du marché du travail …

  OQTF passées ou en cours ne doivent pas pénaliser les étrangers en cours d’intégration qui le sont subies. Elles ne doivent pas les renvoyer à des procédures de régularisation plus longues.

  Les titres de séjour obtenus grâce à la relation de travail doivent inclure le droit à la vie privée et familiale pour les années à venir, et ne doivent pas prendre en compte que le statut de salarié de l’intéressé.

  Les titres de séjour temporaires doivent tous être remplacés par un seul et unique titre de séjour de longue durée, seul susceptible d’assurer l’égalité des droits et l’intégration.

Ne nous y trompons pas !

Le projet de loi de Darmanin n’est pas fait pour régulariser les travailleurs sans-papiers !

Ne seront peut-être régularisés qu’une toute petite partie de ceux qui pourront faire la preuve de leur utilité économique dans un tout petit nombre de secteurs, selon des critères très stricts et sélectifs !

De plus, ce nouveau projet de loi durcit considérablement les conditions de régularisation comme par exemple, l’exigence de maîtrise d’un certain niveau de français (oral et écrit), et une résidence stable. Cela nécessite des conditions de vie correctes. Et il renforce l’arbitraire total pour éloigner toujours plus et plus vite.

La lutte doit continuer pour la régularisation massive de toutes et de tous les sans-papiers !

— >> à lire, l’analyse du GISTI